Bernard Grospierre

Chambrelien jabegros@sunrise.ch

Il était une fois… C’était au siècle passé, en 1976, j’avais à peine cinquante ans!

En fin d’après-midi, j’étais occupé dans mon bureau à additionner des factures à payer et l’humeur n’était pas sereine. J’ai tourné les yeux vers la fenêtre et j’ai vu, de l’autre côté de la rue, une Land-Rover poussiéreuse et surchargée d’objets divers. Un couple était en plein déchargement. Ils paraissaient revenir d’un lointain voyage et moi, plus curieux de les connaître que d’additionner des chiffres, je suis sorti et ai leur proposé mes bons offices, acceptés de bonne grâce et avec le sourire.

Nous avons transporté caisses, objets, vêtements tout cela jusque dans l’appartement situé à l’étage juste, en face de mon entreprise. C’est comme ça que j’ai fait la connaissance de Maximilien, d’Eva et de Zumri le Sloughi.

Bien sûr, Maximilien ne voulait pas me laisser repartir sans partager une bonne bouteille et il m’a proposé de visionner avec lui les dias de son dernier voyage au Pérou. Et tout à coup, qui vois-je dans un village andin ?… ma cousine ! Elle est ethnologue et prépare, dans ce pays, sa thèse de doctorat. Par hasard, elle s’était trouvée sur le chemin de la Land-Rover. « Quoi ! tu connais Odile ?… alors ça, ça s’arrose ! » et on r’ouvre une bouteille, on fait schmolitz et c’est parti pour une longue amitié !

Quelques jours plus tard Maximilien m’annonce qu’il va repartir pour préparer un livre sur l’Argentine, le Chili, la Bolivie le Pérou, toute la Cordillère des Andes quoi !
– Pourquoi ne viendrais-tu pas avec nous ? demande Maximilien.
– Ben oui, mais j’ai une femme et quatre gosses ! Ils ont aussi droit à des vacances. Il faut que je voie avec mon gouvernement. Et puis je ne peux pas laisser mon entreprise trop longtemps. Il faut que je réfléchisse.

C’est décidé, j’irai les rejoindre à La Paz et, pendant six semaines, je partirai avec eux sur les hauts-plateaux boliviens et péruviens.

C’est ainsi qu’un beau jour de juin 1976, je débarque de l’avion à La Paz, à une heure du matin, sur cet aéroport situé à 4200 mètres d’altitude . Tout essoufflé, je retrouve un Maximilien hilare et bien acclimaté qui embarque mon sac et ma personne dans sa Land bourrée comme une boîte de sardines, avec Zumri qui me fait la fête et Eva qui m’embrasse. Et hop ! Nous descendons 1000 mètres plus bas, traversons la Paz et allons camper dans un petit bois d’eucalyptus. Pour me souhaiter la bienvenue, Maximilien m’offre à boire, d’abord du whisky, puis du vin d’Argentine et du Chili. C’est un peu pompette que je me glisse dans mon sac de couchage. Je n’ai pas beaucoup dormi et me réveille avec un sérieux mal de tête.

Et c’est donc, avec une « gueule de bois d’eucalyptus», que je commence un magnifique périple à travers les Andes. Mais j’ai dû apprendre certaines règles et priorités bruggmanniennes. Ce qui passe avant tout, pour lui, ce sont les appareils photo. Viennent ensuite la Land-Rover, Eva, Zumri puis les amis. Il faut savoir rester à sa place et tout va bien. En cours de route, nous embarquerons une amie française découverte en Argentine puis, plus loin, une autre amie rencontrée à l’ambassade de Suisse au Chili. Dans l’étroit espace laissé par le matériel de photo, celui de cuisine, les bagages et les réserves de pinard, nous serons ainsi entassés à cinq, sans compter le chien. Quelle ambiance ! Je ne vous dis pas. C’était joyeux !…

Le voyage commence : La fête du « Gran Poder » (qui correspond à la fête Dieu de chez nous) un cortège haut en couleurs, en musiques et en danses, qui durent toute la journée. Plus tard, c’est la visite du site de Tiahuanaco, qui serait vieux de 12 à 14000 ans. Ensuite, l’arrivée au bord du lac Titicaca, la ville de Puno, les îles flottantes des Uros. Un peu plus loin, ce sont les Chulpas de Silustani. A chaque halte, il y aurait un tas d’anecdotes à mentionner. Rapidement, je citerai les villes d’Ayaviri et de Cusco, avec la forteresse mégalithique de Saxahuaman ou nous arrivons pour les fêtes de l’Inti-Raymi, fête Inca du Soleil.

Puis nous partons dans la vallée de l’Urubamba, passons au marché de Pisac et admirons le merveilleux graphisme des « andenes » ces terrasses de cultures qui s’élèvent jusqu’au sommet de pentes abruptes. Nous passons par Ollantay-Tambo, restes d’une forteresse où se déroulèrent de nombreux combats entre conquistadores et Incas. Des pierres de porphyre rose de plusieurs tonnes furent transportées depuis une carrière située à plus de 6 km jusqu’au sommet de la colline sur laquelle était édifié un temple.

Et nous arrivons à Machu-Picchu. C’est le point fort de notre périple. Non contents d’admirer le lever du soleil dont les rayons du solstice d’hiver tombent avec précision sur l’Intihuatana, la pierre sacrée, nous sommes montés au sommet du Wayna-Piccu, cette pointe qui domine le site, y avons passé la nuit dans la grotte sommitale, durant un orage tropical. Au petit matin, tout le site nous apparut émergeant des brumes. Ah ! C’était beau !

Et nous sommes déjà sur la route vers Lima. A Abancay, nous sommes à court d’essence et les rares postes sont vides. La benzine arrivera demain (manyana a la manyanita). Nous attendrons anxieusement plus de 24 heures le ravitaillement par un camion-citerne que nous verrons sortir du haut de la montagne, descendant à l’allure d’un escargot la piste en lacets. Ouf !… nous arriverons quand-même à temps pour attraper mon avion de retour.

En passant nous nous arrêtons à Nazca pour admirer les magnifiques dessins gigantesques tracés dans le désert et visibles seulement depuis les airs. A Lima nous sommes reçus chez le frère de Maximilien, professeur à l’Ecole Suisse. Je passerai chez lui ma dernière nuit péruvienne.

Je garde une reconnaissance éternelle à Maximilien pour le splendide voyage qu’il m’a offert. Il m’a appris aussi à prendre une photo en me déplaçant de quelques pas pour avoir un meilleur angle et un plus beau cadrage. Merci maître! C’est grâce à lui que le virus des voyages ne m’a plus quitté et que j’ai vu combien le monde était beau !

 

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